mouvement de remords, secondé par ces petites influences indéfinissables que toutes les relations personnelles exercent sur une nature flexible, l’avait poussé à contracter un mariage secret, qui était une flétrissure dans son existence. C’était une vilaine histoire de passion vulgaire, d’illusion et de désillusion, qu’il n’est point nécessaire de retirer de la cellule secrète des souvenirs amers de Godfrey. Il savait depuis longtemps que l’illusion était due en partie à un piège que lui avait tendu Dunstan. Celui-ci avait vu dans le mariage dégradant de son frère les moyens de satisfaire à la fois sa haine jalouse et sa cupidité. Et si Godfrey avait pu se considérer simplement comme une victime, l’irritation causée par le mors de fer que la destinée lui avait mis dans la bouche, lui eût été moins insupportable. Si les malédictions qu’il prononçait à mi-voix, lorsqu’il était seul, n’eussent eu d’autre objet que la ruse diabolique de Dunstan, il lui aurait été possible de moins reculer devant les conséquences d’un aveu. Mais il lui restait autre chose à maudire : sa folie et ses vices personnels, qui, maintenant, lui semblaient aussi insensés et aussi inexplicables que le sont presque toutes nos folies et tous nos vices, quand la cause qui les a provoqués est depuis longtemps disparue. Pendant quatre ans, il avait pensé à Nancy Lammeter, et il l’avait recherchée avec un culte secret et patient, comme une femme qui le faisait songer joyeusement à l’avenir. Elle serait son
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