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que je tombe, je suis sûr de tomber sur mes pieds. »

Là-dessus, Dunstan fit claquer la porte derrière lui. Il laissa Godfrey à ces amères réflexions sur sa situation personnelle, qui se succédaient alors d’un jour à l’autre sans interruption, quand il n’était pas excité par le sport[1], la boisson, les cartes, ou par le plaisir plus rare, mais moins susceptible d’être oublié, de voir Mlle Nancy Lammeter. Les souffrances subtiles et variées, naissant de cette sensibilité plus délicate qui accompagne une culture plus élevée, sont peut-être moins dignes de pitié que cette morne privation de jouissances et de consolations intellectuelles, qui force les esprits plus grossiers à rester constamment face à face avec leur chagrin et leur mécontentement. La vie de ces rustiques ancêtres, que nous sommes enclins à considérer comme des personnages prosaïques, — de ces hommes dont la seule occupation était de chevaucher autour de leurs propriétés, qui devenaient de plus en plus lourds sur leurs selles, et passaient le reste de leurs jours à satisfaire d’une façon presque insouciante leurs sens émoussés par la monotonie, — leur vie, dis-je, avait cependant quelque chose de pathétique. Les calamités leur venaient, à eux aussi, et leurs premières erreurs entraînaient après elles de dures conséquences. Peut-être qu’un amour pour quelque douce jeune fille, image de pureté, d’ordre et de calme, avait ouvert leurs regards

  1. Mot anglais désignant tout exercice en plein air. (N. du Tr.)