à naître ; il songeait aux guinées qui venaient lentement avec les années futures, — qui viendraient pendant toute son existence, dont le cours s’étendait bien loin devant lui, et dont la fin était tout à fait voilée par d’innombrables jours de travail. Faut-il s’étonner si ses pensées étaient toujours absorbées par son métier et son argent, lorsqu’il faisait ses courses à travers les champs et les chemins, pour aller chercher son ouvrage et le rapporter à la maison, et qu’ainsi ses pas n’erraient plus jamais sur le talus des haies et le bord des ruelles, en quête des plantes qui lui étaient autrefois familières ? Elles aussi appartenaient à ce passé auquel sa vie s’était dérobée. Telles les eaux d’un ruisseau s’abaissent bien au-dessous des bords herbeux limitant l’ancienne largeur de son lit, pour devenir le petit filet tremblotant qui se trace un sillon dans le sable stérile.
Mais vers la Noël de cette quinzième année, un autre grand changement survint dans l’existence de Marner, et son histoire se confondit d’une façon singulière avec la vie de ses voisins.