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que Silas avait observés chez sa propre mère, et qui avaient été les avant-coureurs de sa mort. Cette vue et ce souvenir lui inspirèrent un élan de pitié. Se rappelant le soulagement que la malade avait ressenti en prenant une simple préparation de digitale, il promit à Sally Oates de lui apporter quelque chose qui lui ferait du bien, puisque les médecines du docteur ne lui en faisaient pas. En accomplissant cet acte de charité, Silas éprouva pour la première fois, depuis son arrivée à Raveloe, un sentiment qui, rattachant sa vie présente à sa vie passée, aurait pu commencer à le délivrer de cette sorte d’existence d’insecte, en laquelle sa nature avait dégénéré. Cependant, la maladie de Sally Oates l’avait élevée au rang d’un personnage très intéressant et très important dans le voisinage, et le fait qu’elle avait été soulagée en buvant la drogue de Silas, devint un sujet général de conversation. Quand le docteur Kimble ordonnait une médecine, il était naturel qu’elle produisit son effet ; mais lorsqu’un tisserand, qui venait on ne savait d’où, opérait des merveilles avec une fiole d’eau brune, le caractère occulte du procédé devenait évident. On n’avait rien vu de pareil depuis la mort de la sorcière de Tarley, et celle-ci se servait de charmes tout aussi bien que de drogues. Tous les gens allaient la trouver lorsque leurs enfants avaient des convulsions. Silas Marner devait être une personne semblable ; car, comment connaissait-il ce qui avait la vertu de rendre la respiration à Sally Oates, s’il