— Mais il faut que vous soyez sûre, Eppie, dit Silas à voix basse, il faut que vous soyez sûre que jamais vous ne regretterez d’avoir préféré rester avec des pauvres gens, ne possédant que de mauvais habits et des choses médiocres, lorsqu’il dépendait de vous d’obtenir tout ce qu’il y a de meilleur. »
Sa susceptibilité à cet égard s’était accrue, tandis qu’il écoutait les paroles sincères et affectueuses d’Eppie.
« Je ne pourrai jamais le regretter, mon père, dit-elle. Je ne saurais à quoi penser, ni que désirer, en me voyant entourée de belles choses auxquelles je n’ai pas été habituée. Et ce serait pour moi une triste besogne de porter de beaux habits, d’aller en cabriolet et de m’asseoir à une place réservée à l’église, si tout cela faisait croire à ceux que j’aime, que ma compagnie ne leur convient plus. À quoi pourrais je donc m’intéresser ? »
Nancy interrogea Godfrey d’un regard douloureux. Mais les yeux de celui-ci étaient fixés vers la terre, à l’endroit où il remuait le bout de sa canne, comme s’il était occupé à réfléchir distraitement à quelque chose. Elle pensa qu’il y avait une parole qui s’échapperait avec plus de convenance de ses lèvres que de celles de son mari.
« Ce que vous dites est naturel, ma chère enfant, — il est naturel que vous restiez attachée à ceux qui vous ont élevée, fit-elle, avec douceur : pourtant, vous avez un devoir à remplir envers votre père légitime.