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mari, que le désir de Marner de garder Eppie n’était pas justifiable, après que le vrai père de celle-ci s’était fait connaître. Elle sentait que l’épreuve était très dure pour le pauvre tisserand, mais ses principes personnels ne lui permettaient pas de douter qu’un père légitime n’eût des droits primant ceux d’un père adoptif, quel qu’il fût. En outre, Nancy, qui avait été accoutumée toute sa vie à ne manquer de rien, et à jouir des privilèges d’une position honorable, ne pouvait pas apprécier les plaisirs que la première éducation et les premières habitudes associent avec tous les petits buts, et avec tous les efforts des pauvres de naissance. À ses yeux, Eppie, recouvrant les droits du sang, entrait en possession d’un bien-être incontestable, dont elle avait été trop longtemps privée. C’est pourquoi elle avait entendu les dernières paroles de Silas avec soulagement, et avait pensé, comme Godfrey, que leur désir était accompli.

« Eppie, ma chère, » dit Godfrey, en regardant sa fille, non sans éprouver quelque embarras à l’idée qu’elle était assez âgée pour le juger : « nous désirerons toujours vous voir montrer de l’affection et de la reconnaissance à un homme qui vous a tenu lieu de père pendant tant d’années, et nous nous efforcerons de vous aider à le rendre complètement heureux. Mais nous espérons que vous en viendrez à nous aimer comme vous l’aimez ; et, bien que je n’aie pas été ce qu’un père aurait dû être à votre égard depuis si