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leurs cœurs une séparation douloureuse. Aussi, il y avait longtemps qu’Eppie savait comment sa mère était morte sur la terre couverte de neige, et comment elle-même avait été trouvée près de l’âtre par son père Silas, qui avait pris les boucles blondes des cheveux pour ses guinées qu’on lui aurait rapportées. L’affection tendre et particulière avec laquelle Marner avait élevé Eppie sous ses yeux, dans une intimité presque inséparable, aidée par la solitude de leur habitation, l’avait préservée de l’influence pernicieuse des conversations et des habitudes des gens du village. Cette affection avait conservé à son âme cette fraîcheur qu’on regarde quelquefois, mais à tort, comme une qualité essentielle de la rusticité. L’amour parfait recèle un parfum de poésie qui peut ennoblir les relations des êtres humains les moins cultivés, et Eppie était environnée de ce parfum, depuis le jour où elle avait suivi le brillant rayon de lumière qui lui montrait le foyer de Silas. Il ne faut point s’étonner si, sous d’autres rapports, sans parler de sa beauté délicate, elle n’était pas tout à fait une villageoise commune, mais possédait quelque teinte d’élégance et une chaleur d’âme, qui n’étaient que les fruits naturels de ses sentiments de pureté cultivés par la tendresse. Elle était trop enfant et trop naïve, pour que son imagination s’égarât dans des questions au sujet de son père inconnu. Pendant longtemps, il ne lui était pas même venu à l’esprit qu’elle devait avoir eu un père. L’idée que sa mère avait eu un mari ne