travers la barrière pour passer dans les prairies où il la menait habituellement faire un tour. Mais l’herbe était grande, et il n’y avait pas moyen de découvrir si Eppie s’y trouvait, sinon en la cherchant attentivement, ce qui eût été commettre un délit dans la récolte de M. Osgood. Cependant, il fallait bien s’y résigner ; aussi, le pauvre Silas, après avoir sondé du regard tous les alentours des haies vives, traversa l’herbe, croyant, avec sa vue trouble, distinguer Eppie derrière chaque touffe d’oseille rouge, et la voir continuellement s’éloigner à mesure qu’il approchait. Il chercha en vain dans la prairie ; alors il franchit la barrière, et se trouva dans la propriété voisine. Il jeta les yeux avec un dernier espoir vers un petit étang, dont l’été avait alors abaissé le niveau de l’eau, de façon à laisser un large bord de boue visqueuse. C’était là cependant qu’Eppie était assise, causant joyeusement à son petit soulier, qu’elle employait en guise de seau, pour porter de l’eau dans l’empreinte profonde d’un pas de cheval, tandis que son petit pied nu était commodément posé sur un coussin de la boue olivâtre. Un veau à tête rouge l’observait, incertain et alarmé, à travers la haie opposée.
Il y avait là, chez une enfant baptisée, un cas indiscutable d’aberration, qui demandait un traitement sévère ; mais Silas, dominé par la joie convulsive de retrouver son trésor, ne sut faire autre chose que de soulever Eppie vivement, et de la couvrir de