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ment où la timidité elle-même venait de se changer en gaieté naturelle, — le moment où les messieurs, ayant, conscience de leurs talents extraordinaires, pouvaient enfin se laisser persuader de danser un « hornpipe[1] ». C’était aussi l’heure où le squire aimait mieux parler à voix haute, répandre du tabac et taper sur le dos de ses convives, que de rester plus longtemps assis à la table du whist. Cette préférence exaspérait l’oncle Kimble, qui, toujours gai aux heures des affaires sérieuses, s’acharnait et devenait violent lorsqu’il était à jouer et à boire de l’eau-de-vie. Il battait alors les cartes avant la donne de son adversaire, avec un regard enflammé et soupçonneux, et retournait un chétif atout d’un air de dégoût inexprimable, comme si, dans un monde où de telles choses pouvaient arriver, on ne ferait pas aussi bien de laisser tout aller à l’abandon. Quand la soirée était arrivée à ce degré de liberté et de plaisir, il était d’usage que les serviteurs, après avoir complètement terminé le service pénible du souper, eussent leur part d’amusement en venant regarder la danse, de sorte que les pièces de l’arrière-corps de la maison restaient dans la solitude.

Deux portes faisaient communiquer le vestibule avec le salon blanc. On les avait laissées ouvertes toutes les deux pour avoir de l’air ; mais celle du fond était obstruée par les serviteurs et les villa-

  1. Nom d’une danse très populaire parmi les marins anglais, et exécutée par un cavalier seul. (N. du Tr.)