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aurait pu être tenté de créer ensuite une vision ayant les apparences du ressouvenir, et un esprit moins sain aurait pu croire à une telle création. Mais Silas était à la fois sain d’esprit et honnête ; seulement, chez lui, comme chez beaucoup d’hommes fervents et sincères, la culture intellectuelle n’avait pas tracé un cours particulier au sentiment du mystérieux, de sorte que celui-ci se répandait sur la voie exclusivement réservée à la recherche et à la science. Il avait hérité de sa mère une certaine connaissance des plantes médicinales et de leur préparation, — petit fonds de sagesse qu’elle lui avait transmis comme un legs solennel. Toutefois, depuis quelques années, il avait eu des doutes au sujet du droit de faire usage de cette science, croyant que les plantes ne pouvaient produire aucun effet sans la prière, et que la prière devait suffire sans les plantes ; aussi, ses délices héréditaires d’errer à travers les champs pour y recueillir la digitale, le pissenlit et le pas-d’âne, commencèrent à revêtir à ses yeux les formes de la tentation.

Parmi les membres de son Église, se trouvait un jeune homme un peu plus âgé que lui, avec lequel il vivait depuis longtemps dans une amitié si intime, que les frères de la Cour de la Lanterne avaient l’habitude de les appeler David et Jonathas[1]. Le véritable nom de cet ami était William Dane. Lui, également, était regardé comme un modèle brillant

  1. I, Les Rois, XVIII, XIX, XX, XXIII, 16 et 18 ; et II, Les Rois, I. (N. du Tr.)