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Pourtant, elle n’avait pas le caractère acariâtre qu’on suppose être nécessairement associé avec de telles habitudes. C’était une femme très douce et très patiente, qui recherchait par nature tous les éléments les plus tristes et les plus sérieux de la vie, pour en repaître son esprit, — c’était la personne à qui l’on songeait tout d’abord à Raveloe, chaque fois qu’il se trouvait une maladie ou une mort dans une famille, lorsqu’il y avait des sangsues à appliquer, ou qu’une garde-malade faisait soudainement défaut.

Femme serviable, de bonne mine, au teint frais, elle avait toujours les lèvres légèrement serrées, comme si elle se croyait dans une chambre de malade, en présence du docteur ou du pasteur. Mais elle ne pleurnichait jamais ; personne ne l’avait vue verser des larmes. On ne remarquait chez elle que de la gravité et une disposition à secouer la tête, et à soupirer d’une façon presque imperceptible, comme une pleureuse qui n’est pas parente du défunt. Il paraissait surprenant que Ben Winthrop, qui aimait son pot de bière et ses bons mots, s’accordât si bien avec Dolly[1] ; mais elle acceptait les plaisanteries et la jovialité de son mari aussi patiemment que toute autre chose. Elle se disait que les hommes étaient toujours ainsi, quoi qu’on fasse, et, à ses yeux, les personnes du sexe fort étaient des créatures qu’il

  1. Dolly, diminutif de Dorothy, Dorothée. (N. du Tr.)