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dont la physionomie n’aurait rien eu d’étrange pour des gens d’une culture et d’une expérience ordinaires ; seulement, pour les villageois auprès desquels il était venu s’établir, elle avait quelque chose de particulier et de mystérieux qui répondait à la nature exceptionnelle de sa profession, et à son arrivée d’une région inconnue appelée « le Nord ». Il en était de même de sa manière de vivre : il n’invitait aucun de ceux qui se présentaient à franchir le seuil de sa porte, et il n’allait jamais flâner dans le village pour boire un pot de bière à l’auberge de l’Arc-en-Ciel, ou bavarder chez le charron. Il ne recherchait ni homme ni femme, excepté pour les besoins de sa profession, ou afin de se procurer ce qui lui était nécessaire ; et les jeunes filles de Raveloe furent bientôt persuadées qu’il n’en obligerait jamais aucune à l’épouser malgré elle, — tout comme s’il les avait entendues déclarer qu’elles ne se marieraient jamais avec un mort revenu à la vie. Cette manière d’envisager la personne de Marner avait un autre motif que son visage pâle et ses yeux extraordinaires ; car Jacques Rodney, le taupier, affirmait ce qui suit : Un soir, en revenant chez lui, il avait vu Silas appuyé contre une barrière, ayant laissé sur ses épaules un sac pesant, au lieu de le poser sur cette barrière, comme un homme jouissant de ses facultés l’aurait fait ; puis, s’approchant, il avait vu que les yeux du tisserand étaient immobiles comme ceux d’un mort ; ensuite, il lui avait parlé, l’avait secoué, et avait trouvé que ses