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comme si c’était M. Snell seulement qui eût trouvé que la personne du colporteur offrait quelque chose de bizarre. Au contraire, il y avait au moins une demi-douzaine de témoins qui étaient prêts à se rendre devant le juge Malam, pour apporter des preuves beaucoup plus frappantes qu’aucune de celles que l’aubergiste pouvait fournir. Il était à désirer que M. Godfrey ne se rendît pas à Tarley, afin de jeter de l’eau froide sur ce que M. Snell avait dit devant le juge de ce village, et empêcher ainsi ce magistrat de rédiger un mandat d’arrêt. On le soupçonnait d’avoir cette intention quand, dans l’après-midi, on l’avait vu partir à cheval du côté de Tarley.

Mais à ce moment, l’intérêt que Godfrey prenait au vol s’était évanoui en présence de son anxiété croissante au sujet de Dunstan et d’Éclair. Il n’allait pas à Tarley, mais à Batherley ; car il se sentait incapable de rester plus longtemps dans cette incertitude à leur égard. La possibilité que Dunstan lui eût joué le vilain tour de s’en aller avec Éclair, pour revenir au bout d’un mois après en avoir perdu le prix au jeu, ou l’avoir dissipé d’une autre manière, était une crainte qui l’importunait même plus que la pensée d’un accident fâcheux. Maintenant que le bal de Mme Osgood était passé, il s’en voulait d’avoir confié son cheval à Dunstan. Au lieu d’essayer de calmer ses craintes, il les encourageait, avec cette idée superstitieuse et inhérente à chacun de nous, que plus on attend le mal résolûment, moins il est