sible crée le plus facilement dans l’esprit des hommes qui ont toujours été étroitement pressés par les premiers besoins, et dont la vie de dur labeur n’a jamais été illuminée par l’enthousiasme d’aucune foi religieuse. La douleur et l’infortune offrent à ces gens un domaine de possibilités beaucoup plus vaste que celui de la joie et du plaisir : le champ de leur imagination est presque stérile en images qui alimentent les désirs et les espérances, tandis qu’il est tout recouvert des souvenirs qui sont l’éternelle pâture de la crainte. « Y a-t-il quelque chose qu’à votre idée vous désireriez manger ? » dis-je un jour à un vieux paysan qui faisait sa dernière maladie, et qui avait refusé tous les aliments que sa femme lui avait présentés. « Non, répondit-il, je n’ai jamais été habitué qu’à la nourriture ordinaire, et je ne puis plus en prendre. » Son genre de vie n’avait fait naître en lui aucun désir capable d’évoquer le fantôme de l’appétit.
Et Raveloe était un endroit où beaucoup des anciens échos s’étaient attardés, sans être étouffés par les voix nouvelles. Non point que ce fût une de ces paroisses stériles, reléguées sur les confins de la civilisation, où vivaient de maigres moutons et de rares bergers. Au contraire, c’était un village situé dans la riche plaine centrale du pays que nous nous plaisons à nommer la Joyeuse Angleterre, ayant des fermes qui, considérées au point de vue spirituel, payaient au clergé des dîmes fort désirables. Mais il était niché dans un vallon tranquille et bien boisé, à une heure entière de