M. Macey, assis très loin du revenant, jouissait du triomphe de ses arguments, triomphe qui devait tendre à neutraliser sa part de l’alarme générale. N’avait-il pas toujours dit qu’au moment où Silas Marner avait son extase étrange, son âme s’affranchissait de non corps ? La preuve était là. Néanmoins, toutes choses considérées, il eût été tout aussi content sans l’apparition. Pendant quelques instants il régna un silence du mort : l’essoufflement et l’agitation empêchaient Marner de parler. L’aubergiste, poussé par le sentiment dont il était constamment animé, qu’il était de son devoir de tenir sa maison ouverte à tout le monde, et confiant dans la protection de son inébranlable neutralité, assuma enfin sur lui la tâche de conjurer l’esprit.
« Maître Marner, dit-il, d’un ton conciliant, que voulez-vous ? Que venez-vous faire ici ?
— Volé ! répondit Silas, haletant. J’ai été volé ! Je cherche le constable… et le juge… et le squire Cass… et M. Crackenthorp.
— Saisissez-le, Jacques Rodney, » reprit l’aubergiste, chez qui l’idée d’un revenant se dissipait ; « il a perdu la tête, je crois. Il est trempé jusqu’aux os. »
Jacques Rodney, assis le plus près de l’entrée de la pièce, était à portée de l’endroit où se tenait Marner ; mais il refusa ses services.
« Venez le saisir vous-même, monsieur Snell, si vous en avez envie, » répondit Jacques avec assez