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mari. Le monde d’une femme aimante est contenu dans les quatre murs de sa maison ; et ce n’est que par son mari qu’elle a quelque communication avec le monde extérieur. Mme Simpkins peut bien l’avoir regardée avec dédain, bébé n’en caquette et n’en tend pas pour cela ses petits bras moins joyeusement ; Mme Tomkins peut cesser de venir la visiter, son mari n’en rentre pas moins pour recevoir ses soins et ses caresses ; il a fait un temps triste et humide aujourd’hui, mais elle a réparé des chemises, elle a taillé des sarraux pour les enfants et fait à moitié la robe de Willy.

Il en était ainsi pour Milly. Elle n’était affectée que de ce qui peinait son mari, elle n’était blessée que parce qu’il était incompris. Mais elle souffrait autrement de leurs difficultés pécuniaires et cherchait les moyens d’en sortir. Sa droiture s’alarmait de devoir faire attendre l’argent des fournisseurs ; son amour maternel redoutait la diminution de bien-être pour ses enfants, et l’affaiblissement de sa santé lui faisait exagérer ses craintes.

Milly, sans juger trop sévèrement la comtesse, ne pouvait fermer les yeux sur sa conduite imprudente ; et elle en vint à croire que ce serait un devoir pour elle de lui dire franchement qu’il ne leur était pas possible de voir son séjour chez eux se prolonger plus longtemps. Mais il se faisait dans deux autres esprits un travail qui épargna à Milly cette tâche pénible.

D’abord, la comtesse commençait à être fatiguée de Shepperton, fatiguée d’attendre de son frère des ouvertures qui n’arrivaient pas ; aussi, un beau matin, elle réfléchit que le pardon était un devoir