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bourse ; le secours qu’il avait reçu d’une fondation ecclésiastique était insuffisant pour refermer la plaie. La sérénité de la conscience peut vaincre la calomnie, mais elle ne saurait payer le compte du boulanger et pas davantage celui du boucher. De mois en mois la position du Rév. Amos lui paraissait de plus en plus grave, et de mois en mois aussi il se dépouillait peu à peu de cette armure d’indignation par laquelle il s’était d’abord défendu contre la dureté des visages qui naguère lui souriaient avec amitié.

Mais la tâche la plus pénible pesait sur Milly, sur l’aimable et patiente Milly, dont la santé devenait de jour en jour plus faible. Elle avait pensé d’abord que la visite de la comtesse ne durerait pas longtemps, et elle avait déployé avec plaisir un excès d’activité pour le bien-être de son amie. Cela me peine de penser à tout l’ouvrage grossier qu’elle fit de ses douces mains, le tout en cachette, sans en rien laisser savoir à son mari, et les maris ne sont pas très clairvoyants ; elle salait du porc, repassait des chemises et des cravates, mettait pièces sur pièces et mailles sur mailles. Puis il fallait aussi préparer la layette de l’enfant attendu, et sans cesse elle agitait la question de savoir comment elle et Nanny pourraient suffire à la tâche quand le nouveau bébé serait là.

Tandis que le temps s’écoulait et que se prolongeait la visite de la comtesse, Milly ne se faisait aucune illusion sur les difficultés de leur position. Elle connaissait les médisances dont ils étaient l’objet, et remarquait l’éloignement des anciens amis ; mais ces choses ne la touchaient que par rapport à son