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— La dame paraît avoir fait sa conquête à première vue, dit Ely. Je me suis énormément amusé un soir chez Granby, pendant que Barton racontait les histoires qu’elle fait au sujet de son mari. Il nous dit : « Quand je l’ai entendue, je me suis senti tout impressionné. J’ai été ému de la racine des cheveux à la plante des pieds. »

M. Ely prononça ces paroles dramatiquement, en imitant la ferveur du Rév. Amos Barton, et chacun se mit à rire, excepté M. Duke, dont la manière de voir les choses après le dîner n’était pas gaie en général.

« Je pense, dit-il, que quelqu’un de nous devrait faire une remontrance à M. Barton au sujet de ce scandale. Il ne met pas en péril son âme seule, mais aussi celles de ses ouailles.

— Soyez sûrs, dit M. Cleves, qu’il y a quelque chose de très simple au fond de cette affaire. Barton m’a toujours paru un homme au cœur droit, qui a la manie de se faire du tort par sa façon d’agir.

— Moi, je n’ai jamais aimé Barton, dit M. Fellowes. Ce n’est pas un gentleman. Il était sur un pied d’intimité avec ce baragouineur de Prior, qui est mort il y a quelque temps, un être qui s’imbibait de spiritueux et qui parlait de l’Évangile avec un nez enflammé !

— J’espère que la comtesse lui aura donné des goûts plus délicats, fit M. Ely.

— Hélas ! dit M. Cleves, le pauvre homme doit avoir une rude charge à traîner, avec son petit revenu et sa nombreuse famille. La comtesse aide sans doute à faire bouillir la marmite.

— Pas du tout, dit M. Duke ; il y a autour d’eux plus d’apparence de pauvreté que jamais.