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tons adultes, comptés au dernier recensement, par exemple, ne sont ni extraordinairement niais, ni extraordinairement méchants, ni extraordinairement sages. Leurs discours n’accusent pas de profondeur, le sentiment n’y met aucune limpidité, le bon mot à venir aucun scintillement. Nul d’entre eux n’a probablement à raconter quelque évasion palpitante, quelque aventure terrifiante ; leurs cerveaux ne sont point fécondés par le génie, et leurs passions n’ont pas fait éruption. Ce sont simplement des hommes à conversation plus ou moins stérile et décousue. Cependant, ces gens bien ordinaires, beaucoup d’entre eux du moins ont une conscience et ont obéi à la sublime impulsion de quelque devoir pénible à remplir ; ils ont leurs tristesses et leurs joies ; leurs cœurs se sont élancés peut-être vers leur premier-né, et il se peut qu’ils aient gémi sur une mort violente. Bien plus, n’y a-t-il pas de l’éloquence dans leur insignifiance même, par la comparaison que nous faisons de leur obscure et étroite existence avec les possibilités glorieuses de cette nature humaine, dont ils font partie ?

Soyez-en sûrs, vous gagneriez plus qu’on ne peut le dire si vous vouliez comprendre avec moi un peu de la poésie, de l’éloquence, des sentiments dramatiques et de l’enseignement qui se trouvent dans ces âmes humaines que laissent à peine deviner de tristes yeux gris et des voix aux vulgaires accents.

Dans ce cas je n’hésiterais point à vous raconter ce qui arriva au Rév. Amos Barton, ne craignant pas que vous trouviez peu dignes d’attention les détails domestiques dont je voudrais vous entre-