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offrir pour contre-balancer l’évidente supériorité de beauté de cette dame. Cette dame à lourde tournure, de mauvais goût, au lieu de regarder la comtesse du haut de sa vertu et de son auréole de sainteté, serait placée au même niveau qu’elle et vue à la même clarté que ses élégantes toilettes. Mme Phipps, quant à elle, n’aimait pas à s’habiller pour paraître ; elle avait toujours évité de chercher à faire sensation.

Puis combien d’amusantes inventions des messieurs de Milby eussent été réduites à néant si vous leur eussiez dit que la comtesse n’avait eu aucune aventure qui pût l’exclure de la société la plus strictement respectable ; que son mari avait été le véritable comte Czerlaski, qui avait accompli de si étonnantes évasions, disait-elle, et qui, elle ne le disait pas, mais cela était prouvé par certaines circulaires pliées autrefois par ses belles mains, avait donné des leçons de danse dans la métropole ; que M. Bridmain n’était ni plus ni moins que son demi-frère, qui, par son intégrité et son activité, avait obtenu une association dans une manufacture de soie, et par là une modeste fortune, qui lui avait permis de se retirer, comme vous le voyez, pour étudier à loisir la politique et l’art de causer. M. Bridmain, célibataire de quarante ans, eut le plus grand plaisir à recevoir chez lui sa sœur devenue veuve, et à briller dans le reflet que projetaient son titre et sa beauté. Tout homme qui n’est pas un monstre, un mathématicien ou un philosophe est l’esclave de quelque femme. M. Bridmain s’était mis sous le joug de sa très belle sœur, à ce point que, quoique sa propre âme fût de peu de valeur, il n’aurait pas osé dire qu’il en fût le