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coup les échecs, comme les gens qui peuvent, pendant des journées, préparer dans leur jeu d’intéressantes péripéties, en faisant faire à leur cavalier des mouvements longuement médités, pour découvrir ensuite qu’ils ont exposé leur reine !

Les échecs sont un jeu silencieux, et, le babil de la comtesse avec Milly ayant trait, sans doute, à des sujets féminins qu’il nous serait impertinent d’écouter, nous quitterons Camp-Villa et nous nous rendrons à la cure de Milby, où M. Farquhar rend visite à M. Ely, avec deux autres personnes qu’il a reçues à dîner ; il est en gaieté et fatigue le révérend par ses paroles oiseuses et incohérentes.

M. Ely était un homme de trente-trois ans, aux cheveux foncés, à l’air distingué. Les laïques de Milby et des environs le considéraient comme un homme de facultés et savoir remarquables, devant faire une grande sensation dans les chaires et dans les salons de Londres, lors de ses visites à la métropole ; et ses confrères ecclésiastiques le jugeaient un collègue discret et agréable. M. Ely ne s’abandonnait jamais à la chaleur de la discussion ; il suggérait aux autres ce qu’on devait penser et disait rarement ce qu’il pensait lui-même ; il ne laissait voir à personne, homme ou femme, qu’il se moquait d’eux et ne donnait jamais à personne l’occasion de rire de lui. Il ne manquait de jugement qu’en une chose. Il séparait au milieu du front ses cheveux noirs et ondulés, et, comme sa tête était plutôt plate, ce genre de coiffure ne lui était pas avantageux.

Quoique n’appartenant point à la paroisse de M. Ely, M. Farquhar était l’un de ses plus chauds admirateurs ; il pensait que ce révérend serait un