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« Quelle horreur ! Dites à Alice de venir tout de suite essuyer la robe de Madame », dit la comtesse au domestique ahuri, en faisant grande attention d’écarter sa robe lilas du plancher inondé de sauce. Mais M. Bridmain, qui s’intéressait aux soieries, s’élança et appliqua sa serviette sur la robe de Mme Barton.

Milly éprouvait quelque inquiétude, mais ne montra point de mauvaise humeur, et chercha à prendre la chose légèrement, par égard pour le valet tout autant que pour ses hôtes. La comtesse, reconnaissante de ce que sa propre parure avait échappé au danger, poussa de sympathiques interjections.

« Chère sainte que vous êtes, dit-elle lorsque Milly fit remarquer en riant que, sa robe n’étant pas très brillante, la tache ne s’y verrait pas beaucoup, vous ne tenez pas à la toilette, je le sais. Pareil accident m’arriva un jour chez la princesse Wengstein, sur un satin rose. J’étais au désespoir. Mais vous êtes si indifférente à ces choses-là, et vous avez raison, car c’est vous qui embellissez la parure, et non la parure qui vous embellit. »

Alice, sémillante femme de chambre, beaucoup mieux mise que Mme Barton, parut enfin pour suppléer l’obligeant M. Bridmain ; après des frottements réitérés, l’ordre fut rétabli, et le dîner continua.

Quand John raconta cet événement à la cuisine, il ajouta : « Mme Barton est une bien aimable femme ; j’aurais préféré avoir versé la sauce sur la belle robe de la comtesse ; mais quel tapage elle aurait fait, une fois les invités partis !

— Vous auriez bien mieux fait de ne pas la verser du tout, répondit la sympathique cuisinière, à qui