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se passe dans le monde. S’il s’y présente un personnage de belle tournure, de grand maintien, qui ne commette pas de bévues et sache captiver l’opinion, on désigne aussitôt la plus aimable des jeunes demoiselles, et l’on dit : « Voilà qui ferait une union bien assortie ! » Pour moi, ce n’est pas mon opinion ; il me semble que ce monsieur à succès, si bien bâti, si discret et si capable, devrait s’allier à quelque personne un peu inférieure, tandis que la douce et charmante femme irait servir de soleil et de soutien au pauvre diable dont la tournure est moins irréprochable, dont les actes sont souvent des bévues, et qui, en général, reçoit plus d’affronts que de compliments. Elle, la douce femme, l’en aimera tout autant ; car cette sublime puissance d’aimer aura, pour s’exercer, un champ plus vaste ; et je me hasarde même à dire que le caractère de Mme Barton ne serait pas devenu aussi angélique si elle avait épousé l’homme que vous aviez en vue pour elle, un homme possédant un revenu suffisant et beaucoup d’éclat personnel. De plus, Amos était un mari affectionné, et il estimait à sa manière sa femme comme son trésor le plus précieux.

Maintenant il a fermé la porte en disant : « Eh bien, Milly ? » Et il a reçu pour réponse un « Bonsoir, chéri ! » rendu éloquent par le sourire qui l’accompagnait. « Eh bien, ce petit coquin ne veut pas s’endormir ? Ne pourriez-vous le donner à Nanny ?

— Nanny a été occupée toute la soirée à repasser ; mais je vais le lui donner à présent. »

Et Mme Barton descend à la cuisine, tandis que son mari va mettre sa robe de chambre. Lorsque sa femme rentre au salon, il bourre tranquillement sa