Page:Eliot - Scenes de la vie du clerge - Barton Gilfil.pdf/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vivement à la porte de la cure. Elle est aussitôt ouverte par la bonne d’enfant, cuisinière et femme de chambre réunies dans la personne de Nanny, la robuste fille à tout faire. Tandis que M. Barton pend son chapeau au crochet du corridor, vous voyez un visage qui n’a rien de particulier ; même la petite vérole qui l’a marqué semble avoir été d’une espèce bénigne. Ses traits sans accentuation et ses yeux sans expression définie sont surmontés d’un crâne dont la calvitie s’étend jusqu’au sommet de la tête. À l’apparence, vous lui accordez environ quarante ans. La maison est tranquille, car il est dix heures et demie, et les enfants sont couchés depuis longtemps. Il ouvre la porte du salon : mais, au lieu de voir, comme il s’y attendait, sa femme cousant à la clarté d’une bougie, il la trouve sans lumière. Elle se promène de long en large, à la lueur rouge du feu, tenant dans ses bras le petit Walter, bébé d’une année, qui regarde par-dessus son épaule avec des yeux tout grands ouverts, tandis que sa patiente mère lui caresse le dos de sa douce main, et jette en soupirant des regards sur un paquet de bas, grands et petits, posés sur la table, prêts à être raccommodés.

C’était une charmante femme que Mme Barton ; elle avait la fraîcheur et la grâce d’une madone, de grands yeux au doux regard, d’épaisses boucles brunes encadrant ses joues arrondies. L’élégance de sa taille haute et svelte faisait valoir le plus simple vêtement, et, dans sa robe de soie noire, rien n’égalait la distinction de sa personne. Ses bonnets auraient paru lourds et affreux sur une autre tête, car à cette époque les bonnets à la mode étaient grands et largement étalés ; mais les siens, en mêlant leur