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Maynard aux grands yeux aimants. Mais il en est des hommes comme des arbres. Si vous émondez leurs plus belles branches, celles qui reçoivent leur plus jeune sève, les blessures seront bientôt recouvertes par quelque grossière et singulière excroissance, et ce qui aurait pu devenir un bel arbre étendant noblement son branchage ne sera plus qu’un tronc de forme étrange et fantastique. Bien des défauts, bien des singularités sont les suites de quelque rude épreuve qui a meurtri et tronqué le caractère au moment même où il se développait richement, et l’existence de défauts que nous blâmons peut n’être due qu’à la marche irrégulière d’un homme qui a perdu l’un de ses meilleurs membres.

C’est ainsi que le cher vieux vicaire, quoique son caractère offrît quelque chose de semblable aux nœuds capricieux d’un chêne émondé, avait cependant été esquissé par la nature comme un noble arbre. Son cœur était pur et délicat, et dans ce vieillard qui remplissait ses poches de dragées pour les petits enfants, dont les paroles les plus mordantes étaient dirigées contre la mauvaise conduite du riche, et qui, malgré ses pipes et sa conversation sans gêne, ne s’exposait jamais à perdre le respect de ses paroissiens, on retrouvait le fond de ce même caractère brave, fidèle et tendre qui avait dépensé les plus belles et les plus fraîches forces de sa vie dans un premier et unique amour : l’amour de Tina.

FIN



Coulommiers. — Typ. P. BRODARD et GALLOIS.