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joyeux et confiant, était maintenant agité par la crainte.

M. Bates, qui passait dans le voisinage, entendit tout à coup l’aboiement d’alarme de Rupert, et, se précipitant dans la direction du bruit, il rencontra le baronnet, au moment où celui-ci allait entrer dans le bois. Le regard de sir Christopher l’effraya, et, sans rien demander, il se mit à marcher à côté de son maître, tandis que Rupert s’élançait en avant parmi les feuilles sèches, le museau vers la terre. Ils l’avaient à peine perdu de vue, qu’un changement de ton dans son aboiement leur dit qu’il avait trouvé quelque chose ; l’instant suivant, il s’élançait en revenant par un des monticules plantés d’arbres. Ils se détournèrent pour gravir cette pente, conduits par Rupert ; le croassement tumultueux des corneilles, le bruissement des feuilles sèches que leurs pieds foulaient, frappaient l’oreille du baronnet comme un bruit sinistre.

Ils ont atteint le sommet du monticule et commencent à redescendre. Sir Christopher voit quelque chose de rouge sur le sentier jonché de feuilles mortes. Le chien s’arrête et sir Christopher ne peut presque plus avancer. Rupert revient en arrière, lèche sa main tremblante comme pour lui dire « Courage ! » et s’avance pour flairer le corps étendu. Oui, c’est un corps…, le corps d’Anthony. Voilà sa main blanche, serrant les feuilles brunes. Ses yeux sont à demi ouverts, mais ne sentent pas le rayon que le soleil darde sur eux à travers les branchages.

Mais il n’est qu’évanoui ; sans doute, ce n’est qu’une attaque. Sir Christopher s’agenouille, dénoue la cravate, défait le gilet et pose sa main sur le cœur. Ce