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— Oui, dit M. Hackit, et ma femme prépare à M. Barton un bon verre d’eau et de rhum quand il vient souper après sa prédication à la chaumière. Le pasteur aime cette boisson qui lui donne des couleurs et embellit un peu son visage. »

L’allusion à l’eau et au rhum suggéra à miss Gibbs l’idée d’apporter des flacons de liqueur après avoir desservi le thé, car, dans la société villageoise d’il y a vingt-cinq ans, le sexe masculin passait pour être perpétuellement altéré, et la moindre boisson était aussi nécessaire au développement de la pensée que le temps et l’espace.

« Quant à cette prédication à la chaumière, dit M. Pilgrim en se préparant un grand verre de liqueur, j’en parlais l’autre jour avec notre pasteur Ely, qui ne l’approuve nullement. Il dit qu’en donnant à l’enseignement religieux un air trop familier, on fait autant de mal que de bien. Ce sont ses propres paroles. »

M. Pilgrim parlait généralement avec une espèce de tic intermittent. « Il est bien dommage, disait un de ses malades, qu’un homme aussi habile ait un empêchement dans son langage. » Mais, quand il en venait à ce qu’il considérait comme le fort de son argumentation ou comme la pointe de sa plaisanterie, il mâchait ses paroles lentement et avec emphase : de même qu’une poule annonçant qu’elle a pondu passe à intervalles irréguliers des simples notes pianissimo aux doubles croches fortissimo. Il trouvait cette sentence de M. Ely remarquablement profonde et d’autant plus décisive dans cette question que c’était une généralité ne présentant rien de particulier à son esprit.