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Assher se contentait de l’amusement passif de tenir les écheveaux. Lady Cheverel avait près d’elle tout ce qui était nécessaire à son travail, et Caterina, pensant qu’elle n’était pas utile, sortit et se mit au piano dans le salon. Il lui sembla que le meilleur moyen pour elle de passer les longs moments fiévreux qui la séparaient de midi était de faire résonner de puissants accords et de s’absorber dans les entraînements de la musique. Le Messie de Handel se trouva ouvert sur le pupitre, au chœur All we like sheep[1], et Caterina se lança aussitôt dans les impétueuses difficultés de cette fugue magnifique. Dans ses moments les plus heureux, elle n’aurait jamais pu la jouer aussi bien ; mais, maintenant, toute la passion qui faisait son malheur se concentrait dans l’effort convulsif que lui demandait cette musique, de même que la douleur donne une force nouvelle à l’étreinte du naufragé qui s’enfonce, et de même que la terreur donne au cri de la faiblesse une intensité qui le fait entendre au loin.

Mais à onze heures et demie elle fut interrompue par lady Cheverel, qui lui dit : « Tina, descendez, s’il vous plaît, tenir les soies pour miss Assher. Lady Assher et moi, nous voulons sortir en voiture avant le déjeuner. »

Caterina descendit, se demandant comment elle pourrait s’échapper assez à temps pour se trouver à midi au bosquet des Corneilles. Rien ne pouvait l’empêcher d’y aller ; rien ne pouvait la priver de cet unique moment précieux, peut-être le dernier, où elle pourrait exprimer ce qui bouillonnait dans

  1. « Nous tous comme des brebis. »