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yeux sur elle, avec cette indifférence bienveillante et ce doux étonnement qu’éprouvent les personnes belles et heureuses ayant de l’empire sur elles-mêmes, quand elles regardent leurs modestes sœurs moins calmes et moins fortes. Caterina pensait à cet avenir rapproché, à ce mariage qui allait se conclure, à tout ce qu’elle aurait à supporter pendant les mois suivants.

« J’aimerais à être bien malade et à mourir auparavant, pensait-elle. Quand on devient sérieusement malade, on ne s’inquiète plus de rien. La pauvre Patty Richards paraissait si heureuse pendant sa consomption. Elle semblait même ne plus s’occuper de l’homme à qui elle était fiancée, et elle aimait tant les fleurs que je lui portais. Oh ! si je pouvais aimer autre chose que lui, si je pouvais ne plus penser à lui, si ces terribles idées pouvaient s’éloigner ! que m’importerait de n’être pas heureuse ? Je ne désirerais rien et je ferais tout ce qui plairait à sir Christopher et à lady Cheverel. Mais, quand cette passion me domine, je ne sais plus ce que je deviens ; je ne sens plus le sol sous mes pas ; je sens seulement les battements de ma tête et de mon cœur, et il me semble que je vais faire quelque chose de terrible. Quelqu’un a-t-il jamais ressenti ce que j’éprouve ? Je suis bien coupable. Mais Dieu aura pitié de moi. Il sait tout ce que je souffre. »

Le temps s’écoula ainsi jusqu’au moment où Tina entendit le bruit des voix le long du corridor et s’aperçut que le volume de Tillotson avait glissé par terre. Elle venait de le ramasser et de remarquer avec terreur que les pages en étaient froissées, lorsque lady Assher, Béatrice et le capitaine Wybrow