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sais quelle tempête il en pourra sortir. Et toute entrave à ce mariage, surtout de cette espèce, serait une cruelle blessure pour mon pauvre oncle. Je ne voudrais pour rien au monde le voir ainsi affligé. Il faut bien qu’un homme se marie, et je ne pourrais faire mieux que d’épouser Béatrice. Elle est remarquablement belle, j’ai beaucoup de goût pour elle ; d’ailleurs, comme je suis décidé à la laisser agir entièrement à sa guise, son caractère m’importe peu. J’aimerais que la noce fût faite et passée, car toute cette agitation ne me convient pas du tout ; j’ai été beaucoup moins bien portant ces jours-ci. Cette scène au sujet de Tina m’a tout à fait bouleversé. Pauvre petite Tina ! Quelle innocente de me donner son cœur de cette manière ! Mais elle devrait comprendre qu’il est impossible que les choses s’arrangent autrement. Si elle voulait seulement accepter les sentiments de bienveillance que j’ai pour elle et s’habituer à me considérer comme un ami : mais c’est ce qu’on ne peut jamais obtenir d’une femme. Béatrice a très bon cœur : je suis sûr qu’elle aurait de l’indulgence pour cette jeune fille. Ce serait un grand soulagement si Tina voulait épouser Gilfil, ne fût-ce que par dépit. Il ferait un excellent mari, et j’aimerais à voir cette petite linotte heureuse. Si j’avais été dans une autre position, je l’aurais certainement épousée moi-même ; mais, avec ce que je dois à sir Christopher, il ne pouvait en être question. Je crois qu’un peu d’insistance de la part de mon oncle l’amènerait à accepter Gilfil ; elle ne serait jamais capable de lui résister. S’ils se mariaient, c’est une petite créature si aimante, qu’elle roucoulerait bientôt avec lui, comme si elle ne m’avait