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pendues sur leurs petites tiges minces, si blanches et si tendres. »

La pauvre jeune fille retourna à la maison avec un frisson au cœur qui ne faisait que lui rendre plus sensible l’air froid du dehors. Les rayons dorés du soleil brillaient à travers les branches humides, et les oiseaux voletaient et gazouillaient leurs chants d’automne avec tant de douceur, qu’il semblait que leur gosier, aussi bien que l’air, fût plus pur après la pluie ; mais Caterina passait au milieu de toute cette joie et de cette beauté comme une pauvre levrette blessée, traînant péniblement son petit corps au milieu des touffes de trèfle qui n’avaient plus de parfum pour elle. Les paroles de M. Bates au sujet de la joie de sir Christopher, de la beauté de miss Assher et de l’approche du mariage tombaient lourdement sur elle, comme le poids d’une main glacée, la ramenant de son vague assoupissement à la perception de dures réalités. Il en est ainsi des natures faciles à émouvoir, dont les pensées ne sont que des ombres flottantes, créées par le sentiment ; pour ces natures, les mots sont des faits, et, lors même que leur fausseté est reconnue, ils n’en dominent pas moins leurs sourires et leurs pleurs. Caterina rentra dans sa chambre, comprenant que rien n’était changé à sa position de dépendance et d’infortune, mais plus blessée que jamais par la conviction du nouveau tort d’Anthony envers elle. Lui arracher une caresse, lorsqu’elle réclamait avec justice une expression de repentance, de regret ou de sympathie, n’était-ce pas faire d’elle moins de cas que jamais ?