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délices que le capitaine Wybrow se glissait près de l’instrument et reprenait son ancienne position. Cette certitude donna une nouvelle puissance à sa voix, et, quand elle vit que miss Assher le suivait immédiatement, en feignant une vive admiration pour un chant pour lequel elle ne pouvait éprouver aucune jouissance, le sentiment de sa supériorité à cet égard donna plus d’éclat encore à son final de bravura.

« Vous êtes en voix mieux que jamais, Caterina, dit le capitaine Wybrow quand elle eut fini. Ceci est bien différent des petits sons flûtés de miss Hibbert dont nous nous contentions à Farleigh, n’est-ce pas, Béatrice ?

— Certainement. Vous êtes une personne bien digne d’envie, miss Sarti ; ne puis-je pas vous appeler Caterina ? J’ai si souvent entendu Anthony parler de vous, qu’il me semble vous connaître parfaitement. Vous me permettrez de vous appeler Caterina ?

— Oh oui ! chacun ici m’appelle Caterina, à moins qu’on ne m’appelle Tina.

— Allons, allons ! encore du chant, encore du chant, petit singe, cria sir Christopher de l’autre bout de la chambre. Nous n’en avons jamais assez. »

Caterina était toute disposée à obéir : car, tandis qu’elle chantait, elle était la reine du salon, et miss Assher était réduite à simuler l’admiration. Hélas ! vous voyez l’œuvre de la jalousie de cette pauvre jeune âme. Caterina, qui avait passé sa vie comme un petit oiseau chantant sans importance, s’abritant avec abandon sous les ailes protectrices, le cœur légèrement agité par quelques sentiments d’amour ou peut-être par quelque crainte facilement calmée,