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moment à M. Pilgrim ? Connaissez-vous l’agréable force, la douceur excitante d’un thé suffisamment mélangé de véritable crème de ferme ? très probablement vous êtes un de ces lecteurs tristement élevés à la ville, qui ne connaissez la crème que comme un liquide clair et blanchâtre, vendu par petites portions de la valeur d’un penny ; ou bien, peut-être dans la crainte des falsifications, préférez-vous irriter votre gosier avec du thé noir sans crème. Vous vous figurez probablement qu’une vache laitière est semblable à l’animal de plâtre blanc décorant la fenêtre d’un marchand de beurre, et vous ne savez rien de l’histoire d’une crème véritable telle que celle offerte par miss Gibbs ; dans ce cas vous ignorez ce que c’est qu’un thé excellent, et M. Pilgrim le sait beaucoup mieux que vous.

Mme Hackit refuse la crème ; elle s’en est si longtemps privée en vue du produit hebdomadaire du beurre, qu’elle a fini par la prendre en aversion. Mme Hackit est une femme maigre, atteinte d’une maladie de foie chronique, qui lui aurait valu les égards et les mots affectueux de M. Pilgrim, même s’il n’avait pas redouté la langue de la chère dame aussi tranchante qu’une lancette. Elle a apporté son ouvrage, non point un de ces inutiles ouvrages dits de fantaisie frivole, mais un solide bas de laine ; le cliquetis de ses aiguilles à tricoter sert d’accompagnement continuel à sa conversation, et, même au milieu du plaisir qu’elle éprouve à rabattre l’amour-propre d’un ami, on ne l’a jamais vue lâcher une maille.

Mme Patten admire peu cette incessante activité. Le repos dans un fauteuil commode, en méditant sur