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qu’un seul coup d’œil lui avait donnée, de l’infériorité de lady Assher, sourit, et Caterina se trouva dans un de ces moments d’empire sur soi-même qui sont comme le reflux de la marée entre les conflits de la pensée. Elle alla vers le piano et prépara sa musique, n’étant point insensible au plaisir d’être regardée, et pensant que, dès que le capitaine Wybrow entrerait, elle lui parlerait tout à fait gaiement. Mais, lorsqu’elle l’entendit venir, et qu’elle le sentit près d’elle, son cœur tressaillit. Elle n’eut la conscience de rien jusqu’au moment où il lui serra la main, en lui disant de son ancien ton dégagé : « Eh bien, Caterina, comment vous portez-vous ? Vous avez l’air tout à fait florissant. »

Elle sentit le rouge de la colère monter à ses joues, voyant qu’il était capable de parler avec une si parfaite indifférence. Ah ! il était donc trop profondément amoureux d’une autre personne pour qu’il pût se rien rappeler de ce qu’il avait naguère ressenti pour elle. Mais bientôt elle comprit combien elle était absurde de croire qu’il pourrait lui montrer quelque tendresse. Ce conflit d’émotions lui fit paraître longs les quelques instants qui s’écoulèrent jusqu’à ce que la porte se rouvrît et que son attention fût absorbée par l’entrée des deux dames.

La fille ne paraissait que plus remarquable par le contraste qu’elle offrait avec sa mère, femme d’âge moyen, aux épaules arrondies, qui avait une fois possédé la beauté passagère d’une blonde et dont les traits étaient actuellement peu marqués et l’embonpoint prématuré. Miss Assher était grande et d’une taille souple, quoique forte, avec un mélange de grâce et d’assurance. Ses cheveux, d’un brun foncé, sans