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zons, les allées et les plates-bandes de M. Bates offraient toujours une telle perfection qu’il n’y avait rien d’extraordinaire à faire au jardin, sinon à gronder un peu plus le jardinier en second, ce que ne négligea point M. Bates.

Heureusement pour Caterina, elle eut aussi sa tâche pour l’aider à passer ce long temps de tristesse ; ce fut de terminer un coussin de fauteuil, pour compléter l’ameublement brodé du salon de famille, travail de toute une année de lady Cheverel, et la seule partie digne d’attention du mobilier du manoir. Elle s’occupa de cette broderie, les lèvres froides et le cœur palpitant, heureuse de pouvoir ainsi pendant la journée dissimuler l’envie de pleurer que ramenaient chez elle la nuit et la solitude. Elle avait peine à se contenir quand sir Christopher s’approchait d’elle. Les yeux du baronnet étaient plus brillants et sa démarche plus élastique que jamais ; il lui semblait que les intelligences les plus lourdes et les plus épaisses pouvaient seules ne pas être enchantées de vivre dans un monde où tout allait si bien. Cher vieux monsieur, il avait traversé la vie, un peu fier de la puissance de sa propre volonté, et maintenant il réussissait dans son dernier projet, et le manoir de Cheverel serait l’héritage d’un petit-neveu. Il pouvait même avoir l’espoir de vivre assez longtemps pour voir le petit-neveu possesseur déjà d’une barbe naissante. Pourquoi pas ? On est encore jeune à soixante ans.

Sir Christopher avait toujours quelque plaisanterie à dire à Caterina : « À présent, petit singe, il faut que vous prépariez votre plus belle voix ; vous êtes le ménestrel du château, vous le savez, et vous aurez