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provoqué en réponse des regards qui devaient forcément produire un crescendo amoureux. Se trouver adoré par une petite créature gracieuse, aux beaux yeux, au doux chant, est une agréable satisfaction, comparable à celle de fumer le plus fort latakié, et qui impose aussi le devoir de quelque réciprocité de tendresse.

Peut-être pensez-vous que ce capitaine Wybrow, sachant très bien qu’il serait ridicule à lui de songer à épouser Caterina, devait être un indigne mauvais sujet, pour chercher ainsi à gagner son affection ! Non point. C’était un jeune homme de sentiments calmes ; rarement il s’était laissé entraîner à une conduite dont il pût se repentir ; et la frêle petite Caterina était une femme qui parlait moins aux sens qu’à l’imagination et au cœur. Il avait des sentiments très bienveillants pour elle et en aurait été certainement amoureux, s’il avait pu l’être de qui que ce fût. Mais la nature ne l’avait pas doué de cette faculté. Elle lui avait donné une admirable tournure, les mains les plus blanches, les narines les plus délicates, et une forte dose de contentement de lui-même ; mais, pour empêcher une œuvre aussi parfaite d’être brisée, elle l’avait rendu incapable d’émotions fortes. On n’avait aucune peccadille de jeunesse à lui reprocher, et sir Christopher ainsi que lady Cheverel le considéraient comme le meilleur des neveux, l’héritier le plus convenable, plein de reconnaissance respectueuse à leur égard, et, par-dessus tout, guidé par le sentiment du devoir. Le capitaine Wybrow faisait toutes choses, même celles qui lui étaient le plus faciles et le plus agréables, par le sentiment du devoir intime ; il portait des costumes dispendieux parce que c’était un