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aisés de Shepperton, deux ans ou plus après l’arrivée de M. Barton parmi eux, c’est ce que vous apprendrez, si vous voulez bien m’accompagner à la ferme de la Croix, près du foyer de Mme Patten, vieille femme sans enfants, devenue riche à force de ne faire aucune dépense ; l’accumulation de fortune de Mme Patten, en dépit des « mauvais temps » sur la ferme dont elle était restée seule tenancière depuis la mort de son mari, était attribuée, par l’esprit caustique de sa voisine Mme Hackit, à la supposition que les « six pence poussaient dans les champs de la ferme de la Croix » ; M. Hackit exprimait son opinion d’une manière plus exacte, en rappelant à sa femme que « l’argent produit l’argent ».

M. et Mme Hackit, de la ferme voisine, sont ce soir les hôtes de Mme Patten, ainsi que M. Pilgrim, le médecin de la petite ville la plus rapprochée, qui, bien qu’il affecte parfois des airs aristocratiques en donnant des dîners à heure tardive, avec des entremets énigmatiques et du porte frelaté, n’est jamais plus à l’aise que lorsqu’il repose ses jambes doctorales dans une de ces excellentes habitations de ferme où les souris sont grasses et la maîtresse maladive. Il est pour le moment comme le poisson dans l’eau, car le brillant scintillement du feu de Mme Patten est reflété par la théière de cuivre poli ; les galettes de ménage sont appétissantes, et la nièce de Mme Patten, demoiselle de cinquante ans qui a refusé les demandes les plus inacceptables par dévouement pour sa vieille tante, verse avec une libéralité discrète la crème épaisse dans le thé parfumé.

Lecteur ! avez-vous jamais goûté une tasse de thé semblable à celle que miss Gibbs présente en ce