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sensiblement devenue un ardent amour. Parmi les différentes espèces d’amour, celui qui commence dans la camaraderie d’enfance est le plus fort et le plus durable ; lorsque la passion vient s’unir à une longue affection, l’amour arrive à son point culminant. Et l’amour de Maynard Gilfil lui faisait préférer les tourments que lui infligeait Caterina à tout le plaisir qu’aurait pu inventer pour lui un génie bienveillant et qu’elle n’aurait point partagé. Il en est ainsi de ces hommes à la charpente robuste, depuis Samson jusqu’à nos jours. Tina, la petite précieuse, savait parfaitement que Maynard était son esclave, et son cœur à elle était tout à fait libre.

Maynard ne se faisait point illusion sur les sentiments de Caterina ; mais il nourrissait l’espérance qu’un moment ou l’autre elle tiendrait assez à lui pour accepter son amour. Aussi attendait-il patiemment le jour où il pourrait se hasarder à lui dire : « Catarina, je vous aime ! » Il se serait probablement contenté de très peu, étant un de ces hommes qui traversent la vie sans rien exiger pour eux, ne mettant aucune importance à l’élégance de leur habit, à la saveur de leur potage ou au salut plus ou moins humble d’un domestique. Il pensait que devenir commensal du manoir de Cheverel en qualité de chapelain et pasteur d’une paroisse voisine était pour lui d’un bon augure, jugeant à tort, d’après sa propre expérience, que l’habitude et l’affection conduisent nécessairement à l’amour. Sir Christopher satisfaisait plusieurs sentiments en installant Maynard au château en qualité de chapelain ; il aimait la dignité ancienne de cet apanage de famille ; il