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Pendant longtemps on ne pensa pas à lui donner une éducation plus soignée. Il est très probable que jusqu’à son dernier jour Caterina crut que la terre restait immobile et que le soleil et les astres tournaient autour ; c’est du reste ce que croyaient aussi Hélène, Didon, Desdemona et Juliette : ce qui me fait espérer que vous ne trouverez point pour cela Caterina moins digne d’être une héroïne de roman. La vérité est qu’avec le chant son talent unique était d’aimer ; il est probable qu’en cela elle l’aurait emporté sur les femmes les plus savantes en astronomie. Quoique orpheline et protégée, cette disposition suprême trouvait à s’exercer suffisamment au manoir de Cheverel, et Caterina avait plus de gens à aimer que bien de petites ladies et de petits gentlemen entourés de relations de famille. Je crois que la première place dans son cœur d’enfant fut occupée par sir Christopher ; car les petites filles sont portées à s’attacher de préférence à celui avec lequel il est rarement question de discipline. Après le baronnet venait Dorcas, la gaie demoiselle aux joues rosées qui servait de lieutenant à Mme Sharp et remplissait le rôle du miel dans une potion amère. Ce fut un triste jour pour Caterina que celui où Dorcas épousa le cocher et crut prendre une place élevée dans le monde en se chargeant de la surveillance d’un cabaret dans la bruyante ville de Sloppeter. Une petite boîte de porcelaine portant la devise : Chère au cœur, malgré la distance, que lui envoya Dorcas comme souvenir, faisait encore, dix ans plus tard, partie des trésors de Caterina.

Son second talent, vous le savez déjà, était la