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leur côté, quoiqu’elle fût sûre de recevoir ailleurs quelque fruit ou quelque fleur. Enfin, dans les longs et uniformes loisirs de cette grande maison de campagne, il se trouvait toujours quelqu’un qui n’avait rien de mieux à faire que de jouer avec Tina. En sorte que le petit oiseau méridional eut son nid du nord doublé de tendresse. Il n’était que trop probable que, sous une pareille influence, sa nature aimante et sensible deviendrait d’une susceptibilité excessive, ce qui la rendrait impuissante à faire face à de dures réalités ; d’autant plus qu’il y avait en elle des mouvements de fierté rebelles à toute discipline un peu sévère ; aussi la seule précocité que montra Caterina fut une certaine habileté à se venger. À l’âge de cinq ans elle se vengea d’une permission refusée en versant de l’encre dans le panier à ouvrage de Mme Sharp ; et une autre fois, que lady Cheverel lui avait retiré sa poupée parce qu’elle en léchait avec amour le visage peint, elle grimpa immédiatement sur une chaise et jeta par terre un vase de fleurs posé sur une console. Ce fut à peu près la seule occasion où la colère l’emporta sur son respect pour lady Cheverel ; cette dame avait sur l’enfant l’ascendant qu’obtient toujours la bonté, alors qu’au lieu de se manifester en vaines caresses elle se montre sérieusement et constamment bienfaisante.

Bientôt l’heureuse monotonie du manoir de Cheverel fut interrompue, comme M. Warren l’avait annoncé. Les routes qui traversaient le parc furent sillonnées par les chariots qui amenaient des pierres d’une carrière voisine ; la cour verdoyante se couvrit de poussière de chaux, et la calme habitation