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vous nous chanterez un air. Sir Christopher ne revient pas tous les soirs d’Italie. »

On adopta sans hésitation ce motif de toast ; M. Bates, pensant que son chant n’en était pas une conséquence logique, n’eut pas l’air d’entendre la seconde partie de la proposition de M. Bellamy. Quant à Mme Sharp, qui s’était toujours posée comme n’ayant pas la moindre idée d’épouser M. Bates, quoique ce fût un homme aussi sensé et d’un teint aussi frais que pût le désirer une femme pour son mari, elle se joignit à l’appel de M. Bellamy.

« Allons, monsieur Bates, chantez la Femme du roi. J’aime mieux entendre un bon vieil air anglais comme celui-là que toutes leurs roulades italiennes. »

M. Bates, ainsi flatté, mit les pouces dans les emmanchures de son gilet, se renversa sur sa chaise de façon à regarder le zénith, et entonna avec un remarquable staccato l’air de la Femme du roi d’Aldivalloch. On peut trouver dans cette mélodie des répétitions trop nombreuses, mais c’était là son grand charme pour les auditeurs présents, qui pouvaient renforcer le chœur. Quant aux paroles, tout ce que la prononciation de M. Bates leur permit de comprendre, c’est que la femme du roi trompait son mari, sans qu’ils pussent deviner de quelle façon.

La chanson de M. Bates mit le comble à la bonne entente de la soirée, et l’on se sépara bientôt après : Mme Bellamy pour rêver peut-être à de la chaux vive se répandant au milieu de ses bocaux de conserves, ou à des filles de chambre folles d’amour et oublieuses de leurs devoirs, et Mme Sharp pour se créer