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dans son esprit différents projets à l’égard de Caterina ; l’un d’eux l’emporta enfin sur tous les autres. Pourquoi n’emmèneraient-ils pas l’enfant en Angleterre pour l’y élever ? Ils étaient mariés depuis douze ans, et cependant le manoir de Cheverel n’était égayé par aucune voix enfantine ; la vieille maison gagnerait beaucoup au son de cette musique. De plus, ce serait une œuvre chrétienne de faire de cette petite papiste une petite protestante et de greffer le plus possible de fruits anglais sur ce rameau italien.

Sir Christopher donna à ce plan son entière approbation. Il aimait les enfants et s’éprit aussitôt du petit singe aux yeux noirs, nom qu’il donna toujours à Caterina. Mais ni lui ni lady Cheverel n’eurent l’idée de l’adopter comme leur fille et de lui donner leur rang dans la société. Ils étaient beaucoup trop Anglais et aristocrates pour penser à rien d’aussi romanesque. Non ! l’enfant serait élevée au manoir de Cheverel comme une protégée, pour se rendre utile plus tard, en assortissant des laines, en tenant des comptes, et ensuite en lisant à haute voix, lorsque les yeux de Sa Seigneurie deviendraient moins sûrs.

En conséquence, Mme Sharp dut procurer de nouveaux vêtements à la petite, remplacer le bonnet de toile, le sarrau à fleurs et les bottines de cuir par un costume plus convenable ; ce qui est singulier à dire, la petite Caterina, qui avait souffert sans s’en douter de plusieurs maux pendant sa première enfance, commença pour la première fois à connaître de vrais chagrins. « L’ignorance, dit Ajax, est un mal sans douleur » ; il en est de même, dirai-je, de la malpropreté, à considérer la gaieté