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— Si, si ; faites-le entrer tout de suite. »

Mme Sharp sortit en murmurant quelque chose au sujet des « intrus ». Elle n’avait aucune admiration pour la belle Ausonie et ses habitants, et même sa profonde préférence pour sir Christopher et sa femme ne pouvait l’empêcher d’exprimer son étonnement de la folie des gens nobles de vouloir vivre au milieu des « papistes, dans des pays où il n’y a pas moyen d’exposer du linge au grand air et où les gens mangent tant d’ail ».

Toutefois elle reparut bientôt et introduisit un petit homme maigre, salement vêtu, le regard errant et triste, ayant toute l’apparence d’un homme qui aurait passé de longues années en prison. Cependant, au milieu de ce désordre et de cette misère, on pouvait discerner quelques traces d’un passé plus heureux. Lady Cheverel, quoiqu’elle ne fût pas tendre et encore moins sentimentale, était très bienveillante et aimait à répandre des bienfaits, comme une déesse qui jette des regards de bonté sur le boiteux, le manchot et l’aveugle qui s’approchent de son piédestal. Elle éprouva quelque compassion à la vue du pauvre Sarti, qu’elle compara à l’épave d’un vaisseau qui avait peut-être une fois, lors de son premier voyage, gaiement flotté au son des fifres et des tambourins. Elle lui parla poliment en lui montrant le choix de morceaux d’opéras dont elle désirait avoir la copie ; il parut se rassurer à la vue de cette blonde et radieuse personne, en sorte que, lorsqu’il sortit avec ses cahiers de musique sous le bras, son salut fut moins timide, quoique toujours respectueux.

Il y avait dix ans au moins que Sarti n’avait rien