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Pendant le dernier voyage en Italie que sir Christopher avait fait avec sa femme, quinze ans auparavant, ils avaient habité Milan pendant quelques mois. Là le baronnet, enthousiaste de l’architecture gothique et nourrissant le projet de transformer son manoir patrimonial, fait de simple brique, en un manoir gothique, s’attacha à étudier ce miracle de marbre, la cathédrale. Lady Cheverel, comme dans d’autres villes d’Italie, quand son séjour s’y prolongeait, prit un maître de chant, car elle avait alors non seulement un goût délicat pour la musique, mais une belle voix de soprano. À cette époque, les gens riches se servaient de musique manuscrite, et bien des hommes qui ne ressemblaient à Jean-Jacques en aucune autre chose gagnaient comme lui leur vie « à copier la musique à tant la page ». Lady Cheverel ayant besoin d’un tel copiste, son maître, le maestro Albani, lui dit qu’il lui enverrait un poveraccio de sa connaissance, dont la copie était la plus soignée et la plus correcte qu’il connût. Malheureusement le poveraccio n’était pas toujours en possession de son bon sens, et, en conséquence, il était quelquefois un peu lent à rapporter son ouvrage ; mais ce serait une œuvre de charité digne de la belle signora d’employer le pauvre Sarti.

Le matin suivant, Mme Sharp, alors une soubrette de trente-trois ans, entra chez sa maîtresse. « Milady, lui dit-elle, il y a là l’homme le plus triste et le plus mal vêtu que vous ayez jamais vu dans la rue ; il dit à M. Warren que le maître de chant l’envoie pour voir Votre Seigneurie. Ce n’est peut-être qu’un mendiant. Je crois que vous n’aimeriez pas à le voir entrer.