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cruel de souffrir maintenant, mais vous ne vous inquiétez pas de ma peine.

— Comment cela, Tina ? » dit Anthony de sa voix la plus tendre, l’enlaçant de nouveau de son bras et l’attirant près de lui. La pauvre Tina était l’esclave de cette voix et de cette pression.

Le chagrin, le ressentiment, le retour sur le passé, les craintes de l’avenir s’évanouirent ; toute sa vie présente et future se concentra dans le bonheur de cet instant, pendant lequel Anthony pressa ses lèvres sur les siennes.

Le capitaine Wybrow, lui, se disait : « Pauvre petite Tina ! cela la rendrait bien heureuse de m’épouser. C’est une folle petite créature ! »

En cet instant, la voix sonore d’une cloche tira Caterina de son extase. C’était l’appel à la prière dans la chapelle : elle s’y rendit en hâte, tandis que le capitaine Wybrow la suivait lentement.

C’était un joli coup d’œil que cette famille assemblée pour le culte dans la petite chapelle, où quelques cierges jetaient une douce lumière sur les figures agenouillées. M. Gilfil était dans la chaire ; ses traits étaient plus graves qu’à l’ordinaire. À sa droite, à genoux sur leurs coussins de velours rouge, étaient le maître et la maîtresse de la maison, dans la beauté respectable de leur âge. À sa gauche, la gracieuse jeunesse d’Anthony et de Caterina, que distinguait le contraste de leur teint : lui, avec sa fraîcheur exquise et arrondie, semblable à un dieu de l’Olympe ; elle, brune et frêle, comme une enfant de la Bohême. Les domestiques étaient agenouillés sur des tabourets recouverts de drap rouge, les servantes ayant à leur tête Mme Bellamy, la vieille femme de charge,