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par lesquels Orphée témoigne ses regrets pour l’objet de son amour, était identique avec ce qu’éprouvait Caterina. Son émotion, au lieu de nuire à sa voix, en augmentait la puissance. Son talent musical était son plus grand avantage ; il lui donnait une grande supériorité sur la dame de haute naissance à laquelle Anthony devait adresser ses hommages ; aussi son amour, sa jalousie, son orgueil, sa révolte contre le sort, se réunirent-ils en un élan passionné qui s’éleva en accents profondément expressifs. Elle avait un contralto remarquable, que lady Cheverel, dont le goût en musique était distingué, l’avait soigneusement empêchée de forcer.

« Parfait, Caterina, dit lady Cheverel pendant une pause ; je ne vous ai jamais entendue chanter aussi bien. Répétez encore une fois ! »

La jeune fille recommença ; mais lorsqu’elle eut fini, sir Christopher « bissa » encore, malgré l’horloge qui annonçait neuf heures. Lorsque s’éteignit la dernière note, il dit : « Voilà un habile petit singe aux yeux noirs. À présent, donnez-nous la table pour le piquet. »

Caterina ouvrit la table et plaça les cartes ; puis avec sa rapidité de mouvements, qui rappelait ceux d’une fée, elle se jeta aux genoux de sir Christopher, qui se pencha sur elle et lui caressa la joue en souriant.

« Caterina, c’est ridicule, dit lady Cheverel. J’aimerais à vous voir cesser ces manières théâtrales. »

Elle se releva d’un bond, mit en ordre les cahiers de musique ; puis, voyant le baronnet et sa femme occupés à leur piquet, elle sortit sans bruit.

Le capitaine Wybrow s’était tenu penché vers le