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salon n’avait pas le sombre effet de la bibliothèque. On y voyait le portrait de sir Anthony Cheverel, qui, sous le règne de Charles II, restaura la splendeur de la famille un peu déchue. C’était un personnage très imposant que ce sir Anthony, debout, un bras sur la hanche et avançant son pied et sa belle jambe, dans le but évident d’être agréable à ses contemporains et à la postérité. On aurait pu enlever sa splendide perruque et son manteau écarlate, qui était rejeté en arrière de ses épaules, sans détruire la dignité de son aspect. Il avait bien su choisir sa « dame » ; celle-ci, placée en face de lui, les cheveux brun doré, repoussés en arrière et encadrant son visage doux et grave de grosses boucles tombant sur son cou d’albâtre, représentait bien la noble mère d’héritiers du domaine.

Dans cette pièce on servait le thé, et chaque soir, régulièrement, dès que l’horloge de la cour sonnait neuf heures, sir Christopher et lady Cheverel se mettaient à leur piquet jusqu’à dix heures et demie, heure à laquelle M. Gilfil lisait les prières à toute la maison dans la chapelle.

Il était près de neuf heures et Caterina dut s’asseoir au clavecin et chanter les airs favoris de sir Christopher, tirés de l’Orphée de Gluck, opéra qui se donnait alors sur la scène de Londres, pour le bonheur de cette génération. Il se trouva ce soir-là que le sentiment exprimé dans deux vers :

Che farò senza Eurydice ?

et

Ho perduto il bel sembiante,