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cédé aussi mystérieux pour moi que l’éclosion des fleurs ou l’apparition des étoiles, on voyait paraître en face de la galerie une ardoise indiquant en gros caractères le psaume que l’on allait chanter, dans la crainte que l’annonce faite par la voix sonore du clerc n’eût pas été entendue de tous. Puis le chantre se transportait à la galerie, où, en compagnie d’un basson, de deux cors à clefs, d’un charpentier doué de la rare faculté de chanter la « haute-contre » et de deux moindres étoiles, il complétait un chœur considéré à Shepperton comme suffisant pour attirer parfois des auditeurs de la paroisse voisine. On n’avait point encore songé à introduire des livres d’hymnes ; même la Nouvelle Version était acceptée avec une espèce de tolérance mélancolique, comme faisant partie de la dégénérescence universelle, dans un temps où les prix de toute chose avaient considérablement baissé, et où une robe de cotonnade n’était plus assez forte pour durer toute la vie ; car le goût musical des principaux personnages de Shepperton s’était formé d’après Sternhold et Hopkins. Mais le plus grand triomphe du chœur de Shepperton avait lieu les dimanches où l’ardoise annonçait une antienne, dont paroles et musique dépassaient de beaucoup la portée des amateurs les plus distingués de la congrégation — une antienne dans laquelle les cors à clefs s’enfuyaient toujours à grande vitesse, tandis que le basson leur lançait de temps en temps une note foudroyante.

Quant au ministre, M. Gilfil, vieux monsieur qui fumait de très longues pipes et prêchait des sermons très courts, je n’en parlerai pas ; sinon je serais tenté de vous raconter l’histoire de sa vie, qui avait eu son