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Caterina y consentit et ils prirent une allée qui conduisait, après plusieurs détours sous de grands arbres, vers un parterre fleuri. Leur promenade fut parfaitement silencieuse ; Maynard Gilfil savait qu’il n’était point l’objet des pensées de Caterina, et depuis longtemps il était habitué à porter le poids de cette disposition d’esprit qu’elle cachait soigneusement aux autres.

Ils atteignirent le parterre, passèrent la porte pratiquée dans la haie épaisse, et se trouvèrent subitement entourés d’une végétation brillante, qui, après les ombrages touffus dont ils sortaient, éblouissait les regards. L’effet était augmenté par une ondulation du terrain, qui descendait depuis la porte d’entrée, puis remontait vers le côté opposé, terminé par une orangerie. Les fleurs brillaient des splendeurs du soir ; les verveines et les héliotropes répandaient leurs plus doux parfums. C’était un air de fête ; tout semblait bonheur et lumière ; on eût dit que la tristesse ne pouvait y subsister. Ainsi pensait Caterina. Comme elle passait entre les plates-bandes, dont les fleurs semblaient la regarder avec des yeux étonnés, semblables à ceux de sylphes joyeux, le sentiment de son isolement dans sa misère se fit sentir plus vivement, et les larmes, qui d’abord tombaient une à une sur ses joues pâles, coulèrent rapidement, accompagnées de sanglots. Et pourtant il y avait tout près d’elle un être aimant, dont le cœur, souffrant à l’unisson du sien, était impuissant à la consoler. Mais elle était trop irritée de la pensée que ses désirs à lui différaient de ceux qu’elle formait ; puis elle était persuadée qu’il condamnait la folie des espérances qu’elle nourrissait, et cette idée l’empêchait de