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chambre ; ensuite elle devenait faible et douce, comme si l’on murmurait quelque chose à votre cœur.

— Vous ne l’avez pas entendue chanter dans l’église, je suppose ?

— Non ; elle était déjà souffrante alors, et, quelques mois après, elle mourut. Elle ne fut guère plus d’une demi-année dans la paroisse. Elle n’avait pas l’air gai ce jour-là, et je vis bien qu’elle ne tenait pas beaucoup à la laiterie et aux fromages ; seulement elle eut l’air d’admirer, pour faire plaisir à son mari. Quant à lui, je n’ai jamais vu un homme aussi ravi d’une femme. Il la regardait avec adoration ; on eût dit qu’il aurait voulu l’enlever de terre pour lui épargner la peine de marcher. Pauvre homme, pauvre homme ! il semblait que sa mort aurait dû le tuer ; pourtant il ne s’abandonna jamais et continua à monter à cheval et à prêcher. Mais il ressemblait à une ombre, et ses yeux avaient l’air mort, vous ne les auriez pas reconnus.

— Elle ne lui avait pas apporté de fortune ?

— Non ; toute la fortune de M. Gilfil lui venait de sa mère. Il avait de ce côté de la race et de l’argent. C’est mille fois dommage qu’il ait fait un tel mariage, un bel homme comme lui, qui aurait pu choisir ce qu’il y avait de mieux dans le comté, et qui aurait maintenant de petits enfants pour l’entourer. Et lui qui aime tant les enfants. »

C’est ainsi que Mme Patten développait ses souvenirs de la femme du vicaire. Il était clair que cette vieille dame si communicative ne savait rien de l’histoire de Mme Gilfil avant son arrivée à Shepperton et qu’elle ignorait les amours de M. Gilfil.

Mais moi, cher lecteur, je suis tout aussi commu-